Les penseurs de l’Islam : Abû’Alî al-Hosayn Ibn Sinâ

des dogmes contemporains

Publié le : 04 janvier 20176 mins de lecture

Ibn Sinâ écrivain et homme politique théoricien de l’Imaginaire 980 – 1037

Au moment où foisonnent les prises de position et les théories sur l’image, le virtuel et le réel, il importe de rendre justice à celui qui fut le premier dans le monde a véritablement s’affranchir des dogmes contemporains — ceux du Christianisme iconoclaste notamment — pour fonder une philosophie qui tout en restant conforme à l’brahmaïsme, attribuait cependant une vie à ce que l’on nommera bien plus tard l’Imaginaire. À travers lui, les expériences intérieures de Thérèse d’Avila ou de Hildegar de Bigen se lisent avec simplicité et trouvent une correspondance facile dans la psychologie moderne.

On doit à Avicenne la notion d’Imaginal, reprise par Henri Corbin puis, à sa suite, par Gilbert Durand et son école mais aussi largement exploitée par les penseurs jungiens tels que Pierre Solié et Michel Cazenave.

Parler d’Image ou d’Imaginaire sans faire référence à Ibn Sinâ reviendrait à faire appel à la Raison sans parler de Socrate ou de Descartes.

AVICENNE — Abû’Alî al-Hosayn Ibn Sinâ — est un des plus fameux philosophes de la pensée Islamique.

Son œuvre surtout connue à travers l’Espagne s’ouvre selon deux perspectives.

La perspective occidentale latine résulte de la pénétration d’une partie de l’œuvre  d’Avicenne dans le monde médiéval. Dès le milieu du XIIe siècle, à Tolède, on traduisit, avec quelques œuvres s d’Aristote, un certain nombre de traités de penseurs musulmans : al-Kindi, al Fârâbî, al- Ghazâlî (Algazal), Avicenne. Viendront ensuite les traductions des œuvres d’Averroès. Si importantes que fussent ces traductions, il ne s’agissait cependant que d’une entreprise fragmentaire par rapport à l’ensemble des œuvres d’Avicenne. Elle s’attachait, il est vrai, à un ouvrage fondamental : la Somme qui a pour titre le Shifâ (Livre de la guérison de l’âme), embrassant la logique , la physique et la métaphysique. Aussi cela suffit-il pour déterminer une influence considérable, telle qu’il est permis de parler d’un  Avicennisme latin, médiéval, même si peut être il n’y eut pas de penseur chrétien pour être avicennien jusqu’au bout, au sens où il y eut des averroïstes pour qui l’œuvre d’Averroès s’identifiait avec la vérité philosophique tout court. La doctrine d’Avicenne put s’allier avec les formes de platonisme déjà connues (Saint Augustin, Denys, Boëce, Jean Scot Erigène); cependant la cassure devait se produire à la limite où la doctrine avicennienne fait corps avec son angélologie et, partant, avec sa cosmologie. [1]

C’est à cause de cette brèche que l’averroïsme devait, en Occident, submerger l’avicennisme. Les conséquences en pourraient être suivies, de siècle en siècle, jusqu’à nos jours. Il reste que les grands noms de la philosophie islamique connus de la scolastique latine sont uniquement ceux d’al-Kindî, al Fârâbî, Avicenne, Ibn Bâjjâ, Ibn Tofayl, Averroès. Ce sont ces mêmes noms qui eurent le privilège de retenir, les premiers, l’attention des philosophes orientalistes. Il en résulta un schéma assez simple. On connut la critique incisive portée par Al-Ghazâlî contre Avicenne et sa philosophie, ce dont son influence n’avait pas pu se relever. On connaissait l’effort massif d’Averroès, faisant face simultanément à la critique ghazalienne et à la philosophie avicennienne, pour restaurer ce qu’il estimait être le pur péripatétisme d’Aristote. L’effort d’Averroès, poursuivi en Andalousie dans des circonstances difficiles, fut sans lendemain en Islam occidental. Et c’est pourquoi, pendant longtemps, tout le monde a répété, après Ernest Renan, que la philosophie islamique s’était finalement perdue dans les sables après la mort d’Averroès. C’était par là même adopter une mauvaise perspective pour juger de l’œuvre d’Avicenne sans pressentir la riche signification qu’elle revêtait ailleurs.

Cette signification, et avec elle la vitalité philosophique de l’avicennisme, nous devons la chercher dans l’Iran antique, c’est en effet ailleurs qu’en occident que nous pouvons en trouver les sources, à savoir en Islam oriental, dans ce monde iranien dont Avicenne était originaire et dans les limites duquel il passa toute sa vie.

Là même où nous rencontrons une tradition avicennienne persistante, les philosophes qui y ont lu Ghazâlî n’en ont point tiré pour la philosophie les conséquences qu’en tirèrent certains Occidentaux, un peu obsédés par leur comparaison avec la critique de Kant. Quant au nom d’Averroès, il fut pratiquement ignoré en Orient; son œuvre ne put guère franchir les limites de l’Espagne; elle ne survécut même que grâce en partie à l’abri de l’écriture hébraïque et par les traductions latines publiées en Occident. L’averroïsme, c’est essentiellement le phénomène de l’averroïsme latin, qui se prolongea en Occident jusqu’au XVIIIe siècle, et qui exerça une influence en profondeur sur la pensée moderne. Pour comprendre l’œuvre d’Avicenne, il importe donc de la replacer dans la perspective où elle ne cessa de fructifier et d’inspirer de génération en génération, des commentaires le plus souvent très originaux. Ce faisant, on la dissocie du complexe où nos historiens de la philosophie la situaient comme appelée à succomber soit devant Ghazâlî soit devant Averroès.

[1] — Ce détail est important dès lors que l’on conçoit toute œuvre humaine sous l’angle de sa cosmogonie.

Plan du site