L’Homme, la Raison et les rêves

le mythe judéo-chrétien

Publié le : 04 janvier 20176 mins de lecture

Atherine Barbé — Du mythe de Médée aux peurs contemporaines

Résumé de la thèse de Catherine Barbé, passée sous ce même titre le 24/11/1995 à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales sous la direction de Michel Maffesoli et dans le cadre des études de la Faculté Libre d’Anthropologie de Paris.

I – Aux sources du mythe, la quête

L’humanité est constituée de groupes ethniques qui, à l’apogée de leur pouvoir, se nomment civilisation. Chaque groupe trouve son ciment dans un ensemble de légendes que l’on nomme communément mythe fondateur, inaccessible à la raison, mais dont le sens paraît plus limpide si l’on accepte la dimension de métaphore du mythe d’origine.
A la naissance d’une civilisation émerge donc un réseau de représentations que le mythe s’efforce de rendre cohérentes.
Les recherches antérieures ont montré que le mythe judéo-chrétien est l’aboutissement d’une évolution de la conscience humaine jalonnée par des étapes d’unification, sous les traits d’une Grande Déesse Mère ambivalente, nourricière et terrible, suivies de différenciations progressives en un panthéon où chaque figure est dotée d’une spécificité, pour se résoudre en une dualité opposant un Dieu tout-puissant au Diable. Sur les traces de la Grande Déesse, nous rencontrons Médée, figure civilisatrice, comme un avatar de la divinité, dont le renforcement des caractéristiques humaines médiatise la puissance auprès des hommes.
Comme Hécate, la « maîtresse que surtout (elle) révère », elle sera évincée progressivement du panthéon pour se retrouver projetée dans l’histoire sous les traits de la sorcière.

II – La dialectique mythique : contaminations réciproques entre l’Histoire et le mythe

Or, c’est sous les traits de la sorcière que se manifeste le Diable dans la société médiévale européenne, bouc émissaire focalisant sur elle les peurs d’un monde sur le point de basculer. Réalité autant qu’objet mythique créée par le pouvoir politique et religieux, la figure de la sorcière illustre la permanence des images ambivalentes relevées dans le chapitre précédent, et la constance des échanges réciproques entre l’Histoire et l’Imaginaire, essentielle dialectique sur laquelle s’appuient les progrès de l’humanité.

III – Les peurs contemporaines : le constat

Dans les sociétés contemporaines industrielles, nonobstant la victoire de la Raison et de la Science, la chasse aux sorcières n’a cependant pas disparu. Mais la diablesse a changé de visage. De grandes terreurs collectives, surmédiatisées mais éphémères prolifèrent, manifestations protéiformes d’une grande peur permanente et nécessaire. Terroriste, islamiste, juif, sidéen ou vache folle, le suppôt de Satan n’en a pas fini de se travestir, de colporter dans l’imaginaire collectif son tribut de mort et de succomber sous les mêmes griefs.
Dès lors, tel un rempart contre l’effroi, se renforce chaque jour davantage l’arsenal des valeurs dominantes, à grand renfort de représentations médiatiques, qui sécrètent comme une nostalgie de l’Âge d’or. Quid de cette aspiration profonde et unilatéralement partagée dans les sociétés industrielles à la propreté-pureté, prévoyance, sécurité ?
Signe d’une fracture fondamentale dans le système d’adaptation et dans le processus d’évolution humains, le retour de la peur porte, dans les contreforts de la conscience collective aveuglée, pétrifiée par sa volonté de contrôle et impuissante à réamorcer un mouvement, la marque d’un complot qui se trame dans l’ombre. Mais qui tire les ficelles ?

IV – Un phare pour l’avenir

Le mythe, comme expression du drame qui se joue dans la psyché, appartient à l’essence de l’humain : il en révèle, à travers les images et les symboles, les aspects les plus profonds, les plus secrètes modalités de l’être, fait connaître l’envers d’une réalité inaccessible par une autre voie. Par son rôle de reliance entre les deux facettes de la réalité, le mythe permet ainsi les échanges entre une cosmogonie et ce qui lui est extérieur. C’est par lui qu’une culture reste ouverte sur ce qui lui est étrange/étranger.
Principe de mouvement, il assure en même temps la cohésion du groupe et sa stabilité.
Le développement psychologique de l’enfant résume celui de l’humanité. C’est dans l’affrontement brutal au monstre du conte que l’enfant se construit. Or, le débat actuel sur la violence montre la volonté de contrôle contemporaine à juguler tout ce qui surgit inopinément, assimilant inconnu et violence, alors que là réside la dynamique de la vie et du progrès. On ne s’étonnera pas alors que dans un monde immobile resurgisse le spectre de la mélancolie, comme manifestation d’une énergie vitale écrasée qui se retourne contre son tyran.
Au monde contemporain en espérance de transformation, celui-là même qu’on dit « en crise » — tout est affaire de point de vue ! —, s’ouvre une voie de réconciliation avec ses monstres et ses dieux. Plutôt que de perpétuer l’antique système de projection sur un bouc émissaire désigné, il s’agirait d’accueillir le monstre médiateur de la puissance des forces de l’imaginaire comme moteur d’une transformation qui de toute façon est en marche, et que rien, même et surtout pas la volonté humaine ne saurait arrêter. Plus épaisse est la chape de béton, plus violente l’explosion !
Catherine Barbé, Paris 1995

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